dimanche 25 décembre 2016

EN ESPAGNE DE NOS JOURS


 
Qui pourrait douter que de nos jours, près de quatre-vingts ans après la fin de cette guerre civile et quarante ans après la disparition du dictateur, les faits ne soient pas racontés avec davantage d’apaisement, d’impartialité et de rigueur historique.


J’ai choisi une interview  d’un comédien comique très célèbre en Espagne, qui produit et anime aussi une émission d’actualités satyrique : El Gran Wyoming (11) pseudonyme qu’il s’est donné non sans humour. José Miguel Monzón Navarro a vécu cette période du franquisme des années soixante et soixante dix et se montre très critique envers les pouvoirs qui ont succédé à la mort du dictateur. Son analyse de l’évolution de l’Espagne contemporaine est très fine, objective, ce qui ne l’empêche pas de prendre des positions très tranchées. Dans cette émission télévisée du 9 janvier 2015 « el ciclo de la palabra » au Centre Niemeyer d’Avilés (Asturies), il fait état de la manière dont l’histoire de la guerre civile est officiellement abordée et présentée. (J’assume la traduction).
« Jamais on n’a voulu qu’il y ait une vraie réconciliation nationale. Parler de la guerre civile, c’est encore interdit, on ne l’enseigne pas au collège. Qu’est-ce que l’on raconte ? Si l’on raconte la vérité, on provoque une émeute. Jamais l’on n’enseignera que dans ce pays, ici, il y avait une démocratie, qu’il y avait une constitution et qu’il ya eu un coup d’Etat. On ne le dira pas, on ne veut pas le dire. Même en 1982 quand le parti socialiste est arrivé au pouvoir, ils appelaient ça "rouvrir les cicatrices"…Mais de quelles cicatrices parle-t-on ? Là je ne comprends pas pourquoi, si c’est pour parler de ton histoire ? Pourquoi les Allemands ont-ils pu le faire avec une histoire infiniment plus sanglante, bien plus cruelle ? Là bas, ils ont Auschwitz et ils enseignent que plus jamais ça ne doit arriver et ici, le monument le plus grand de ce pays est encore dédié à la gloire du fascisme, c’est  El Valle de los Caídos (la vallée de ceux qui sont tombés) (12) où sont enterrés Franco et José Antonio Primo de Rivera (13) et ils disent qu’il n’y a là aucune connotation politique ! Nous vivons dans le pathétisme permanent ! » 




El Gran Wyoming poursuit en parlant de ses amis professeurs qui ont parfois des élèves qui comme thème de dossier à présenter à l’épreuve du baccalauréat, dossier préalable à l’entrée à l’université, choisissent la 2ème République espagnole. Il y a des gens qui s’intéressent à ce sujet, mais ça ne passe pas.

(Le problème ne se présentera plus car à la prochaine cession il n’y aura plus de dossier à  réaliser... ndD)
«  Dans la communauté de Madrid, Madame Esperanza Aguirre (14) anima des stages de perfectionnement pour aborder enfin ce sujet. Dans ces cours on disait que le coup d’Etat de Franco était un mythe, qu’il n’a jamais eu lieu. Tu te rends compte (en s’adressant à l’interviewer), pauvre homme, fier comme il était ce 18 juillet, punaise ! Maintenant ce sont les siens qui le trahissent en lui ôtant tout le mérite ! Il était donc dit que la guerre commence en Asturies, par une révolution bolchévique qui allait s’étendre à toute l’Espagne. La seule chose que fit l’armée fut de défendre la légalité en vigueur de l’attaque des Asturiens à l’Etat Espagnol. Parfaitement, c’était dit avec un culot gros comme ça ! Non mais là nous rions mais ces stages étaient payés avec de l’argent public !Ainsi, il n’y a pas eu de coup d’Etat, le 18 juillet n’a pas existé, le général Mola (15) n’a pas existé, ni Sanjurjo (15), c’est une vue de l’esprit, Franco n’a jamais pris le Dragon Rapide (16), rien, rien de rien, ce pauvre homme n’a rien fait d’autre que sauver ce pays de l’invasion communiste par la lutte. Eh bien ces cours étaient pleins à craquer. C’était des professeurs de lycées et des professeurs du supérieur. Et tout ceci, c’est ce qu’ils étaient supposés enseigner aux jeunes pour leur expliquer ce qu’il s’était passé !  Quatre vingt ans ont passé depuis la guerre civile et l’on ne peut pas parler calmement de tout ça parce qu’il y en a toujours un qui va intervenir en disant : « Dans mon village ils ont (les Républicains) assassiné le curé ». Et alors, qui nie qu’ils ont assassiné un curé ? Qu’ils aient assassiné un curé ne justifie pas qu’ils (les nationalistes) aient  fusillé les instituteurs chaque fois qu’ils entraient dans un village. Et là, il faut enseigner les deux choses. Heureusement qu’il y a des documents, sinon l’on croirait encore à ce que raconte Esperanza Aguirre… »


Edifiant, stupéfiant, qu’à l’époque où les livres d’histoire sur ce thème de la guerre d’Espagne circulent dans les librairies de la péninsule, à l’époque d’Internet des sites et blogs, il y ait toujours cette version présentée par des personnalités officielles semblables à celle de La nouvelle Encyclopédie du second degré publiée en 1941. Comment les pouvoirs, quelle que soit leur tendance politique, ont-ils pu, au mieux verrouiller la question ou éviter d’aborder le thème, au pire enseigner comme vérité historique une propagande identique à celle de la période franquiste sans que cela ne provoque une gigantesque vague d’indignation ni une levée de boucliers ?


Plus étonnant encore est le contenu du programme d’histoire de collège en Espagne, qui comme le précise Gran Wyoming, n’aborde pas le sujet. Sur le blog d’un professeur d’histoire espagnol (profesorfrancisco.es), qui propose des documents ressources pour les élèves ainsi que pour ses collègues dans la partie consacrée à la période 1922 -1945, les mouvements fascistes proposés à l’étude sont l’Italie et l’Allemagne. Le fascisme espagnol fait l’objet d’à peine une ligne qui évoque une tendance propre   anti athéiste qui défend le « christianisme catholique » comme élément culturel de la Nation qui doit être préservé.
A la limite du paradoxe, et sans accuser ce professeur de parti pris, ce dernier évoque la réapparition des mouvements fascistes aujourd’hui dans certains pays et publie la photo de Jean-Marie Le Pen mais ne publie rien concernant les 38 années de dictature franquiste et des « aficionados » de cette idéologie qui manifestent régulièrement en Espagne (voir vidéo 12bis) !

Un lecteur publiait un commentaire qui demandait pourquoi seul le fascisme italien était présenté, ce à quoi Francisco répondit qu’il était le seul considéré comme « canonique ».
Je l’interpellais à mon tour sur l’absence sur son blog de tout document sur le franquisme, régime fasciste qui survécut à la seconde guerre mondiale jusqu’en 1975. Mon message fut publié et la réponse fut qu’il ne comprenait pas ma question !

Il faut savoir que le travail réalisé par ce professeur est très en vogue dans les systèmes éducatifs officiels et il doit assurément se faire apprécier par sa hiérarchie qui considère les TICE (Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement) TICS en Espagne, comme la panacée pédagogique que tout enseignant se doit d’utiliser. Ainsi, il est évident qu’il ne peut pas décevoir en créant « une émeute » comme le dit Gran Wyoming, en parlant de la guerre civile ou de ce qui s’en approche. Son travail est très « canonique ».
La tendance que ce professeur donne du fascisme espagnol n’est pas éloignée de celle qu’évoque Antonio Llop Lasierra au sujet de la recherche de légitimité historique du pouvoir franquiste. Elle est clairement évoquée dans une série de vidéos postées sur internet par l’historien Julián Casanova, professeur d’histoire à l’université de Saragosse.
« La thèse crée par le franquisme dit que l’Espagne était un pays catholique par essence et dont le nationalisme avait été indissociable du catholicisme. A partir du XIXe siècle, les choses commencèrent à se compliquer en Espagne par l’entrée de courants de pensées philosophiques, idéologiques, doctrinales étrangères. Il y eut en fait une attaque aux principes basiques de la société espagnole et l’armée dut réagir, l’Eglise dut réagir, les bien-pensants durent réagir contre ce que l’on a appelé l’Espagne rouge, celle qui a été vaincue en 1939 et envoyée aux catacombes quarante ans durant. Cette thèse a eu un poids fondamental, écrasant dans les écoles, elle a eu un poids considérable dans tout ce qu’il y avait d’enseignement à cette époque. »
Et l’on constate que cette thèse est toujours d’actualité !
Qu’est-ce qu’il y a donc de si terrible à cacher ? Qui a intérêt et pour quelles raisons ne pas aborder enfin ce thème de manière dépassionnée ou tout du moins, laisser parler les historiens, les vrais historiens et non les révisionnistes qui déjà sous le régime de Franco publiaient sur le thème de la guerre civile ? (19)

(12 et 12 bis) Ci-dessous un article de la RadioTélévision Espagnole (RTVE) du 29 Novembre 2011.
 « El valle de los caídos considéré comme le symbole le plus important du franquisme deviendra un monument en hommage à tous ceux qui sont tombés au cours de la Guerre Civile, si les recommandations  d’une commission d’experts qui demande le transfert des restes du général Franco à un autre lieu sont suivies (17).La commission d’experts créée à l’initiative du gouvernement socialiste pour étudier ce que sera le futur Valle de los Caídos considère que les restes de Franco doivent être transférés en un autre lieu désigné par la famille ou tout du moins, qui serait considéré comme le plus convenable. El Valle de los Caídos, eut durant le franquisme une grande signification politique et idéologique  car les restes du fondateur de La phalange, José Antonio Primo de Rivera, et de Franco y sont enterrés.A l’intérieur on y trouve aussi 33 437 cadavres de combattants des deux bords dont presque 15 000 n’ont pas été identifiés. Selon l’historien Paul Preston (18)  "Franco l’a conçu comme un monument à "ceux de son camp qui sont tombés, ceux qui sont tombés pour Dieu et pour l’Espagne". Le décret du 2 avril 1940 qui ordonnait sa construction disait qu’il avait pour fonction de perpétuer "la mémoire de ceux de notre glorieuse croisade qui sont tombés". Dans un autre paragraphe il est dit que " l’importance de notre croisade ne peut se contenter d’être perpétuée par de simples monuments. Il est nécessaire que les pierres qui s’élèvent aient la grandeur des monuments antiques qui défient le temps et l’oubli". Officiellement, le monument porte le nom d’Abbaye de la Sainte Croix de la Vallée de ceux qui sont tombés et elle est située dans la Sierra de Guadarrama dans un lieu autrefois appelé Cuelgamuros, sur la commune de l’Escorial dans la province de Madrid. Le monument fut construit à partir du projet des architectes Pedro Muguruza et Diego Méndez. Le sculpteur Juan de Avalos fut chargé de la décoration. Il réalisa les figures monumentales situées au pied de la croix mais aussi le groupe de la Piété sur la porte du temple. Le monument se compose d’une grande croix en pierre de 150 mètres de haut  et de deux bras de 24 mètres chacun, qui s’élève sur une basilique creusée à 250 mètres à l’intérieur de la roche. Avec ses 262 mètres de long, le bâtiment religieux est plus long que celui de Saint Pierre de Rome ; sa coupole de 45 mètres de haut par 40 de diamètre est décorée de mosaïques, œuvre de Santiago Padrós. L’intérieur se compose d’un double atrium et d’une nef avec six chapelles latérales d’une décoration très austère. Dans la crypte creusée à même la roche se trouve l’autel principal près duquel se trouvent les tombes de Franco et de José Antonio Primo de Rivera, l’une en face de l’autre. Les autres sépultures ne sont pas montrées aux visiteurs. Derrière la basilique il y a une grande esplanade de 30.600 m2 où se trouve l’abbaye bénédictine et d’autres bâtiments comme la bibliothèque ou l’hôtellerie. L’ensemble appartient au Patrimoine National depuis 1982, année au cours de laquelle la loi de régulation entrant en vigueur lui attribua provisoirement l’administration qui jusqu’alors dépendait de la « Fondation de la Sainte Croix de la Vallée de ceux qui sont tombés ». Cette fondation avait été créée par un décret-loi le 23 août 1957. Les moines bénédictins qui gèrent l’hôtellerie résident dans l’abbaye depuis le 17 juillet 1958. Vingt mille prisonniers de guerre républicains et prisonniers politiques participèrent à la construction du site. Les prisonniers pouvaient ainsi réduire la durée de leur peine par le travail. Ils étaient employés par les entrepreneurs qui payaient pour eux à l’Etat un salaire inférieur d’un tiers à celui d’un travailleur libre. Une petite partie de ce salaire était versée sur un compte au nom du prisonnier. Le travail était très dur selon les témoignages des prisonniers. Ils étaient divisés en trois groupes : le premier détachement eut la charge de construire les six kilomètres de la route d’accès, pavée à la main, le deuxième fut chargé de creuser la roche à la dynamite et le troisième de construire le monastère et l’abbaye. Le monument dont la construction commença en 1940, fut inauguré par Franco le 1er avril 1959 (18) et coûta 1 086 460 381 de pesettes de l’époque (6 529 758 euros). Depuis la mort du dictateur, le 20 novembre 1975, le même jour que celui de la mort de José Antonio, tous les ans, des groupes franquistes ont commémoré cet anniversaire à la Vallée de ceux qui sont tombés. Cependant, depuis décembre 2007, avec l’adoption de la loi de la mémoire historique, tout acte de nature politique exaltant la guerre civile et ses protagonistes est interdit en ce lieu, qui a été l’objet d’une grande polémique pour ce qu’il représente historiquement. »














Monument du Valle de los caídos
(15) José Sanjurjo né à Pampelune en 1872 (mort à Estoril, Portugal, le 20.07.1936) participe à la guerre du Rif. Après plusieurs victoires il est promu lieutenant-général.
En 1931 il est en désaccord avec la réforme militaire menée par le gouvernement du président Manuel Azaña, en particulier au sujet  de la réduction des effectifs.
En 1932, il se rapproche des monarchistes carlistes. Il lance un coup d’Etat que l’on nommera la « Sanjurjada ». Le putsch échoue et il est arrêté, jugé et condamné à mort. La peine est commuée en prison à perpétuité mais il est finalement libéré en mars 1934 par le gouvernement de droite de Lerroux. Il s’exile au Portugal.
Les généraux qui préparent un soulèvement militaire contre la république et le Front Populaire fraîchement élu, font appel à lui pour prendre la direction des opérations. Il meurt dans l’accident de l’avion qui devait le conduire de Lisbonne à Burgos pour y prendre la direction de l’Etat créé par les putschistes, deux jours après le soulèvement militaire du 18 juillet 1936
Emilio Mola y Vidal né à Cuba  le 9 juillet 1887 et mort dans la province de Burgos, a fait la majeure partie de sa carrière militaire au Maroc. Il est nommé général au mérite après plusieurs faits de guerre dans le Rif. En 1930 il est nommé directeur général de sécurité où il exerce une dure répression contre les mouvements étudiants et républicains. Il n’est cependant congédié de l’armée qu’en 1932 pour connivence avec le coup d’Etat raté de Sanjurjo.
En 1934, le gouvernement de Lerroux l’amnistie, il est réintégré dans l’armée et nommé l’année suivante chef du Haut Commissariat au Maroc. Suite à la victoire aux élections du Front Populaire en février 1936, il conspire contre la république depuis Pamplune où le nouveau gouvernement l’a nommé gouverneur militaire. Principal artisan du soulèvement militaire, il assume la direction de « l’armée du nord » jusqu’à son accident d’avion en juin 1937 où il trouve la mort. C’est le général Franco qui prend alors la direction des armées putschistes.
(Sources Wikipedia fr. et Biografías y vidas)

 












Franco, à sa Gauche Mola, défilent dans Burgos.
(16) Suite à la victoire du Front Populaire, la CEDA, le mouvement de droite radicale au pouvoir jusqu’alors, demande la proclamation de la loi martiale. Franco envoie un communiqué à toutes les régions militaires pour qu’elles proclament l’état de guerre. L’entreprise échoue et le nouveau gouvernement ôte à Franco la direction de l’Etat Major et l’envoie aux îles Canaries comme commandant général. Les généraux qui préparent le coup d’Etat contre la république demandent à Franco de se joindre à eux. Franco accepte, à condition d’avoir un moyen de transport rapide jusqu’au Maroc espagnol. Un banquier mécène paie la location d’un avion en Grande Bretagne qui doit officiellement transporter un groupe de touristes anglais composé d’un Major réserviste, de sa fille et d’une amie. L’avion, un Dragon Rapide, atterrit aux Canaries, mais Franco ne souhaite plus se joindre au mouvement. Finalement, la veille du putsch il accepte de se joindre aux généraux rebelles et monte à bord de l’avion (Inspiré de Wikipedia.es.).
(17) Les restes de Franco et de José Antonio Primo de Rivera n’ont pas été transférés et sont toujours au Valle de los Caidos.
(19)  Pío Moa, Ricardo de la Cierva entre autres.

dimanche 27 novembre 2016


J’ai parmi mes documents des années 40, un exemplaire de  La nouvelle encyclopédie scolaire du second degré  espagnole de 1941. Ce manuel, destiné aux élèves des collèges et lycées espagnols,  témoigne parfaitement de l’enseignement dans l’immédiate après guerre civile. A cette époque encore dans les rues étaient collées sur les murs des affiches à l’effigie de Franco accompagnée de la phrase suivante : « Franco, Caudillo de Dios y de la patria  »

(Franco, chef de la patrie désigné par Dieu) «  Primer vencedor en el mundo  del bolchevismo en los campos de batalla » (premier vainqueur au monde du bolchévisme sur les champs de bataille) et toute personne se devait de faire le salut fasciste en passant devant y compris les enfants.


















Photographie de l’agence EFE -septembre 1939
Il est évident que dans l’immédiate après guerre le régime franquiste n’allait pas reconnaître les causes et les conditions réelles de son arrivée au pouvoir. La version donnée par cette encyclopédie est un prolongement de la propagande du temps de la guerre et ne diffère que peu de celle qui était enseignée dans les années soixante dix en Espagne (nous dirons « survolée ») et même en ce début de XXI è siècle.
Le chapitre sur l’histoire contemporaine de l’ouvrage en question dit en substance que suite à  la proclamation de la seconde république espagnole, une nouvelle constitution «  franchement anti religieuse et anti espagnole est décrétée ».
Le sous-chapitre suivant ayant pour titre « Le marxisme contre l’Espagne  déclare que la seconde république tout comme la première a été le fruit de conspirations maçonniques qui voulaient en finir avec «  les bases permanentes de notre tradition religieuse et patriotique ».
Le document poursuit en dénonçant « la dégénérescence  en marxisme  de la République. En 1934, prenant pour prétexte la formation d’un gouvernement de centre-droite, les marxistes des Asturies et les séparatistes catalans de Barcelone se soulevèrent contre celui-ci. La révolte fut rapidement étouffée et les dirigeants furent arrêtés ». (7)
En parlant des élections « truquées » de février 1936 dont le Frente Popular sortit vainqueur « habillement manipulé par l’or russe désireux d’implanter le soviet en Espagne », les auteurs du livre accusent ce Front populaire d’avoir libéré les responsables de « la révolte » de 1934.
Le putsch du 18 juillet 1936 lancé par les troupes nationalistes  est présenté comme une réponse à l’assassinat de  «l’homme politique de droite de premier plan, José Calvo Sotelo », cinq jours auparavant : « l’armée se souleva et l’Espagne saine, catholique et traditionnelle se souleva à son tour contre le gouvernement marxiste. » Les partisans d’une Espagne « indivisible, grande et libre » se soulevèrent contre « le funeste régime marxiste (…./…) et obtinrent leurs premières victoires contre le marxisme qui était aidé par les Soviets russes et les Brigades Internationales qui entrèrent en Espagne avec l’appui du gouvernement français. »
Naturellement, l’ouvrage ne mentionne pas l’aide militaire en hommes et en matériel reçue par les putschistes de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie.
Le chapitre continue sur les différentes régions gagnées par les troupes nationalistes jusqu’à la victoire finale.
La partie consacrée à l’histoire de ce manuel se conclut ainsi : « De ces brèves et élémentaires leçons d’histoire d’Espagne, il ressort que le destin de l’Espagne a toujours été œcuménique, c'est-à-dire universel et qu’il a consisté à se sauver et à sauver les autres peuples par la civilisation basée sur la religion catholique, qui est celle qui rend les hommes moraux, forts, bons, unis et libres ».
Dans un document du Centre de Langues de l’université Lyon 2 (Secteur langues du GFEN d’avril 2012 (8) l’enseignante María-Alice Medioni présente un projet pédagogique pour enseigner le franquisme aux élèves de lycée (1ère) en s’inspirant des réflexions d’Hannah Arendt pour qui enseigner la politique aux élèves doit se faire par leur adhésion et non pas de manière dictatoriale par un adulte.
Aussi, comme pour illustrer par l’antithèse que fut l’enseignement de l’histoire dans cette Espagne d’après guerre, María-Alice Medioni cite José Ibañez Martín qui fut ministre de l’Education Nationale d’août 1939 à Août 1951 :
« Le nerf de notre Mouvement c'est la Révolution que je conçois au sens le plus fort du terme, parce qu'il faut renverser le vieux et le caduque, parce qu'il faut faire table rase du maladif et du vicié et transplanter dans les âmes vierges la substance de notre être historique et les cultiver avec des instruments neufs et des systèmes, qui défendent désormais l'ancestrale fécondité espagnole des mauvaises herbes et des ronces ».
(Traduction María-Alice Medioni)
Le ton est donné, chaque mot évoque l’idéologie fasciste : l’endoctrinement (aujourd’hui on parlerait de programmation) des âmes pures, celle de la « race »  (« Raza « c’est d’ailleurs le titre du film réalisé par Franco  (9) ) à protéger des mauvaises herbes que sont les idées que l’école républicaine a pu enseigner.
Dans l’enseignement primaire, non seulement la propagande était enseignée mais aussi l’on  inculquait un sentiment de paranoïa d’une menace ennemie à laquelle tout espagnol devait se préparer.
Dans un entretien datant d’août 1990, Antonio Llop Lasierra né en 1933 a la Pobla de Massaluca (province de Tarragone) et arrivé en France en 1948, témoigne de ses années d’école dans son village dans l’immédiate après guerre :
« Nous avions des instituteurs qui n’étaient pas à la hauteur parce que tous les instituteurs d’avant (du temps de la République) ont été soit déportés, soit fusillés, soit se sont exilés.
L’enseignement repartait à zéro. L’enseignement  que l’on nous donnait, c’était peu de chose. Il était basé sur le bourrage de crâne, la propagande. Une fois par semaine, nous avions maniement d’armes, c'est-à-dire que nous allions dans la campagne et l’on nous faisait faire comme si l’on se préparait à une guerre. D’après mes souvenirs, ça n’a pas duré longtemps. Le plus que l’on pouvait nous enseigner, c’était les quatre opérations. Si l’on voulait aller à l’école, on y allait, sinon on n’y allait pas et personne ne disait rien. Tout cela révélait le manque d’intérêt du régime pour l’école. »
En ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, Antonio Llop Lasierra dit que le nouveau régime cherchait la légitimité en se faisant passer pour les héritiers d’un passé glorieux. Par ailleurs, Franco n’avait pour tout fait de guerre et de gloire guerrière que sa participation à la guerre du Rif (cette région nord du Maroc, colonisée par l’Espagne qui se souleva entre 1921 et 1926) ainsi que la répression dans les Asturies où « il se comporta comme un boucher » mais aussi bien sûr, la guerre « civile » d’Espagne au cours de laquelle « il tua davantage d’Espagnols. » Tout comme l’armée, le régime qu’incarnait Franco n’avait pas de prestige pour tout le monde étant donné la violence par laquelle il avait accédé au pouvoir. C’est dans la guerre d’indépendance, enseignée aux élèves, que le régime alla chercher ses héros nationaux dont il se faisait passer, en quelque sorte, pour le digne descendant: - « L’histoire d’Agustina de Aragón (10) et du siège de Zaragoza, on nous l’a tellement répétée que je la connais par cœur. » Antonio Llop Lasierra conclut ses souvenirs des cours d’histoire en disant qu’il fallait à cette Espagne traditionnaliste un ennemi sur lequel construire l’unité nationale  et cet ennemi, c’était le Français.
« Le Français », déjà évoqué dans le chapitre consacré à l’histoire contemporaine dans La nouvelle encyclopédie scolaire du second degré. Comme il était pratique de disposer d’un ennemi bien plus fantasmé que réel, si proche géographiquement, pour créer une paranoïa collective et s’en remettre au Pouvoir, à sa police, à son armée afin d’assurer la protection de la Nation !
(7) 

Les Asturies 1934, l’autre révolution d’octobre
Causerie au C.I.R.A ( Centre International de recherche sur l’Anarchisme)
Par Francisco Pallarés Arán

Publié le 26 novembre 2015

La crise des années 1930 qui touche l’ensemble du monde a aussi ses répercussions en Espagne. Mais paradoxalement, elle se traduit d’abord par un regain d’intérêt pour le parlementarisme (pourtant en crise dans le reste de l’Europe). Le roi Alphonse XIII, complètement discrédité doit abandonner le pouvoir. Le 14 avril 1931, la Seconde République espagnole est proclamée. Paysans, ouvriers, classes moyennes attendent avec espoir de profonds changements. Les réformes (c’est-à-dire l’amélioration des conditions d’existence) tant espérées tardent à se réaliser ; la déception n’en est que plus grande. À peine deux ans plus tard, une majorité conservatrice accède au pouvoir. Son chef, José María Gil-Robles (admirateur de Mussolini, de Dollfuss et d’Hitler), fait adopter des mesures autoritaires de plus en plus inquiétantes dans une Europe où les dictatures gagnent de jour en jour du terrain.
En octobre 1934 la direction du Parti socialiste d’alors appelle à la grève générale et au soulèvement dans toute l’Espagne. Mal préparé, mal coordonné, ce mouvement, accompagné parfois d’affrontements armés, échoue.
Par contre, au nord de l’Espagne, dans les Asturies, c’est une révolution sociale qui va secouer l’ensemble de la région minière. Sous le mot d’ordre de UHP (« ¡ Uníos hermanos proletarios ! », « Unissez-vous frères prolétaires ! »), armés de fusils, de bâtons de dynamite, de canons et de mitrailleuses, les mineurs asturiens de l’UGT et de la CNT vont instaurer une véritable Commune ouvrière.
Ils seront écrasés sans pitié par l’armée, la Légion étrangère et les supplétifs marocains dépêchés d’urgence d’Afrique. La résistance des mineurs et la répression qui s’ensuivirent résonnèrent profondément, en Espagne et au-delà.
Malgré cet échec, la Révolution des Asturies peut être considérée comme le prélude à la Révolution de 1936.





(8) Je donne le lien pour qui (enseignant ou association) serait intéressé par ce travail proposé aux élèves et qui nécessite un temps certain de préparation, un peu de matériel, de la place et un temps non négligeable avec les élèves pour le réaliser.
(9) Le film projeté en 1941 fut réalisé par José Luis Sáenz de Heredia sur une idée de Jaime de Andrade, pseudonyme que Franco avait choisi pour ce film. Parrainé par le Conseil de l’Hispanité, le film Raza veut montrer  l’esprit de courage et d’abnégation qui serait le propre de l’Espagnol et qui coïnciderait complètement avec l’idéologie nationale-catholique du régime arrivé au pouvoir à la fin de la guerre civile.
(10) Agustina de Aragón y le siège de Zaragoza  https://fr.wikipedia.org/wiki/Agustina_d'Aragon
 

lundi 7 novembre 2016

La transmission aux générations depuis la fin des années 50



A l’école en France

Je me souviens qu’à la fin du mois de septembre 1975, dans les établissements scolaires du second degré de France (je ne pense pas que le petit établissement de campagne où j’étais pensionnaire ait été le seul à prendre cette initiative), les élèves avaient été libérés de cours 30 minutes avant l’heure de la récréation du matin, pour manifester, ou tout du moins « débrayer » contre les dernières exécutions d’activistes opposés au régime franquiste.  Le professeur du cours amputé de ce temps de manifestation, nous en avait expliqué la raison. Des élèves avaient  exprimé ce qu’ils savaient de ce régime dictatorial et violent.
A l’époque la presse et les journaux télévisés que les adolescents suivaient à l’heure du repas du soir, se faisaient écho des exécutions du dictateur espagnol.
Trois générations ont vécu, au moins en partie, la durée de Franco au pouvoir.
Tout le monde savait qui il était, quelle était sa doctrine, même si l’origine de son arrivée au pouvoir n’était pas vraiment connue surtout de la dernière génération.
Les gens suivaient peut-être plus l’actualité, il y en avait moins de moyens, de relais  de l’information que maintenant et on allait la chercher dans la presse, à la radio et elle arrivait dans notre assiette par la télévision.
Les gens étaient aussi plus politisés et la guerre d’Espagne, de laquelle était issue la dictature de Franco, était un symbole de la lutte contre le fascisme pour les partis de gauche et plus particulièrement pour le parti communiste et ses proches syndicats, comme j’aurai l’occasion d’en parler plus loin.
Depuis l’attentat spectaculaire autant que trouble contre le bras droit du général Franco, l’amiral Luís Carrero Blanco (5) en décembre 1973, la presse internationale avait abondamment diffusée l’information et l’Espagne revenait sur le devant de la scène médiatique.  Pour beaucoup de Français qui allaient en vacances dans ce pays, cet événement avait fortement attiré leur attention.
De plus, Il est vrai que par ses méthodes de répression, les exécutions par garotage, ce régime qui avait survécu à la destruction du nazisme et de ses alliés semblait appartenir à un autre temps , il étaient d’un anachronisme et d’un exotisme barbares dans une Europe occidentale où soufflait un vent de liberté et plus particulièrement de liberté d’expression jamais égalée depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

            Mis à part cette demi-heure de « débrayage », au collège, le sujet n’a été évoqué en classe de seconde qu’en cours d’espagnol à travers des chansons de Paco Ibañez qui chantait des textes de poètes espagnols exilés de cette guerre d’Espagne, le tableau Guernica de Picasso et en classe de terminale avec le poème de Pablo Neruda Explico algunas cosas sur sa présence du poète à Madrid avant et pendant la guerre civile et  les bombardements aériens de l’aviation nationaliste.  
Les élèves d’espagnol langue vivante étrangère 1, 2 et 3, des années 70 et 80 avaient donc une connaissance globale des causes et des conséquences de la guerre d’Espagne.
            Dans ma classe de terminale, le programme d’histoire était d’une telle densité que l’on ne pu poser que deux questions au cours de l’année dont une sur la guerre civile qui n’était pas au programme, bien sûr. La professeure qui semblait apprécier d’intervenir sur ce sujet, accepta de lui consacrer cinq minutes mais hors prise de notes pour préparer l’épreuve du Bac.
           La guerre d’Espagne n’a jamais été au programme d’histoire en France et dans l’enseignement de l’espagnol, elle était encore évoquée dans les années 90 par des textes, des reproductions d’affiches de propagande dans des manuels de première et terminale principalement. Aujourd’hui encore y survivent quelques rares photos de Robert Capa, comme si  les responsables des programmes semblaient vouloir tourner cette page, tout en s’acharnant à donner de l’Espagne une image moderne dynamique, créative, artistique et festive alors que tout dans ce pays aujourd’hui, y compris son hyperactivité, dans ses choix politiques, économiques, artistiques et festifs, est conditionné par cette guerre ainsi que par la longue dictature de près de 40 ans qui a suivi.

            La transmission de cette histoire en France, se fait essentiellement dans des ateliers ou des projets pédagogiques, plus particulièrement dans le sud de la France où la présence de réfugiés ou plutôt, à l’heure actuelle, de fils et petits fils de réfugiés de cette guerre d’Espagne est importante en nombre et se regroupent dans des associations actives et très impliquées dans l’effort de mémoire au niveau local (6).

A la fac.

Au tout début des années 80 à l’université Lyon II, pourtant réputée pour être une « fac de gauche » dans l’un des TD de civilisation espagnole proposés par le département du « Monde méditerranéen » une lectrice espagnole donnait une version particulièrement inédite, qui suscita autant mon étonnement que mon incrédulité et ma colère par la suite.
Cette enseignante disait dans son cours qu’en 1936, chez un médecin vivant dans un village perdu d’Extrémadure, avaient été découvertes des lettres et autres documents qui annonçaient la préparation d’un coup d’état communiste commandité par Moscou. C’est pour éviter ce coup d’Etat que Franco et les autres généraux se soulevèrent contre la République.
Après m’être débouché les oreilles de l’auriculaire, pincé le bras à plusieurs reprises, je regardais autour de moi les étudiants qui étaient en majorité des enfants d’immigrés espagnols et qui ne semblaient pas être choqués par ces propos, ou tout du moins ne le manifestaient pas. Je n’intervenais pas me laissant le temps de la réflexion, d’un éclaircissement, d’une explication.
A la fin du cours je demandais à certains étudiants leur avis sur cette vision partisane du coup d’Etat nationaliste. Ils semblaient en effet incrédules mais tout aussi résignés, comme s’ils n’accordaient pas davantage d’importance à ce discours.
           
Conforté dans ma volonté de ne pas « laisser passer » ce qui était de toute évidence de la propagande franquiste, je cherchais des témoins qui ne se résigneraient pas et avec qui je pourrais signaler ce discours révisionniste. La semaine suivante j’arrivais en cours avec un membre du PCE (Parti Communiste Espagnol) et de l’attaché culturel du Consulat Général d’Espagne à Lyon. Au moment de demander à l’enseignante de confirmer sa version des raisons du coup d’état nationaliste, cette dernière d’un ton très autoritaire demanda à mes accompagnants s’ils étaient inscrits à son TD et ajouta que s’ils n’étaient pas d’accord avec le contenu de son enseignement, ils n’étaient pas obligés de rester et pouvaient quitter la salle. Elle conclu qu’elle ne faisait qu’enseigner ce qu’elle avait appris à l’université en Espagne.

            Le discours des vainqueurs était le discours officiel en Espagne comme dans tout pays au régime autoritaire. Comme la dictature espagnole ne tolérait aucune discussion, il n’y avait donc aucun discours contradictoire possible.



(6) Il est une association particulièrement active dans l’Yonne le M.H.R.E 89 qui prochainement organisera une exposition et un cycle de conférences sur la guerre d’Espagne. Un questionnaire sous forme d’affiches de propagande sera un bon support de travail en classe de collège et lycée.

mardi 25 octobre 2016

Au sujet de l'espagne de 1936 à aujourd'hui

        Beaucoup de sites, de blogs, de forums sont consacrés à la guerre d’Espagne dont on vient de célébrer cette année 2016 le 80è anniversaire.
Commencée officiellement le 18 juillet 1936, cette guerre entre Républicains et Nationalistes ne fut pas qu’une guerre civile, qu’un conflit fratricide, elle fut aussi un terrain d’essais d’armes, de techniques de guerre d’armées professionnelles et de test des diplomaties des Etats qui sont intervenus ou non dans ce conflit dans l’aide aux belligérants. A peine trois années plus tard ces Etats allaient s’affronter dans une guerre qui dura cinq années et à l’échelle du globe.

Alors qu’aujourd’hui les nations occidentales ont définitivement scellé la paix par la création de l’Union Européenne ainsi que par des systèmes d’échanges européens multiples et variés dans différents domaines, échanges qui dépassent même les frontières de la CEE, qu’en est-il en Espagne de la paix entre les héritiers de cette guerre civile ?
La guerre civile est-elle terminée? Ne vit-elle pas encore dans les consciences ?
 Le franquisme ainsi que toutes ses composantes  idéologiques et institutionnelles n’ont-elles pas conditionnées la gestion politique de l’Espagne d’aujourd’hui en continuant d’occuper les postes de pouvoir, de la Mairie de village à la Justice en passant par la Police, le Parlement,  ainsi que toutes les institutions administratives et religieuses ?

Dans les pays de la CEE il y a une très nette montée en puissance des partis nationalistes et des idéologies inspirées du fascisme, mais en Espagne il semble que ce ne soit pas le cas, alors que rien ne semblerait devoir tenir ce pays en dehors de cette vague extrémiste :- grave crise économique, chômage endémique, crise  migratoire, corruption de la classe politique. Tous les ingrédients pour l’épanouissement des mouvements extrémistes, principalement de droite comme on le voit ailleurs sont réunis en Espagne.

 Il est connu et reconnu que contrairement à un pays comme la France, il n’y a pas de « centre » et que la droite espagnole est directement issue de la classe politique qui régnait sous la dictature franquiste. C’est cette même droite qui a fait voter en 1978 la Constitution qui dans l’article 56 confirme le roi comme chef de l’état. La restauration de la monarchie était une décision du général Franco qu’il avait demandé de faire voter par le parlement après sa mort. La boucle était ainsi bouclée : le dictateur s’était soulevé contre la république espagnole proclamée le 14 avril 1931 suite à des élections législatives, entrainant l’abdication du roi Alphonse XIII. Franco quittait le pouvoir en mourant et en rétablissant sur le trône d’Espagne, le petit fils d’Alphonse XIII.

La constitution de 1978 est donc marquée de la patte du franquisme. Ses inspirateurs ne sont que les hommes qui ont contribué à ce régime inspiré du fascisme italien.
Aujourd’hui encore, les discours et manifestations publics, la politique de cette droite espagnole est inspirée dans la plupart de ses aspects du franquisme tel qu’il était dans la dernière décennie de sa présence officielle au pouvoir.


            Ce conflit et ses conséquences reviennent sur le devant de l’actualité aujourd’hui aussi en France. Bien sûr, le temps écoulé peut atténuer les passions, la plupart des acteurs de cette guerre sont morts mais nous savons aussi que c’est souvent la troisième génération des victimes de guerres ou de génocides qui s’attache à raviver la mémoire de faits passés et à demander des comptes à ceux qu’ils considèrent comme étant les responsables. Rappelons-nous des mouvements des Arméniens il y a une trentaine d’années en France. Des associations d’enfants et petits enfant de ces réfugiés républicains se retournent aussi vers le passé familial pour retrouver des racines, retracer le chemin qui les a amenés ici.
Cependant, si la guerre d’Espagne s’est invitée dans l’actualité, ce n’est pas pour le conflit en lui-même mais pour l’une de ses conséquences en France, celle de l’arrivée d’environ 500 000 réfugiés, hommes, femmes, enfants, vieillards qui ont été mal traités par les autorités françaises.
 Les plages du Roussillon en ce mois de février 1939 ont été les lieux d’accueil de ces gens brisés, terrorisés, à bout de forces, affamés qui avaient fuit une mort certaine par les troupes nationalistes espagnoles.
 Ces plages  n’avaient pour tout équipement que des barbelés et pour tout personnel des tirailleurs sénégalais ou des spahis pour garder emprisonnés ces gens dans la détresse par dizaine ou par centaine de millier. Ni sanitaire, ni eau potable, distribution de pain « à la volée » les premiers temps, l’obligation de creuser des trous dans le sable pour se protéger du vent glacial, voilà l’image que l’histoire retiendra de l’arrivée des Républicains espagnols dans la très fière patrie des droits de l’homme, pays ami de la République espagnole. (1)

Comment cet épisode ne pouvait-il pas être rappelé au sujet des conditions dans lesquelles se trouvent les migrants en France aujourd’hui. Près de 80 ans après ce drame de l’arrivée des républicains espagnols, la leçon ne semble pas avoir été tirée.
L’attitude de mépris reste la même et la question revient une fois encore sur le tapis, pourquoi accueille-t-on si mal ces gens qui ont quitté leur pays chassés par la misère, la guerre et qui n’ont pour toute option, rester et mourir ou bien partir.
Comment la France, pays riche, patrie des Droits de l’homme n’est-elle pas en empathie devant ce drame humain. De quoi les opposants à un accueil digne de ces gens qui souffrent ont-ils donc peur ? Pourquoi, les hommes politiques, les élus ont peur de ces gens qui ont peur de ces étrangers effrayés?
La proximité des échéances électorales, cette période ou tout candidat se fait souvent caméléon à l’approche des idées de l’électorat convoité est une des explications, mais quelles sont les causes profondes de ce rejet de l’autre, comme un reflex, comme une défense? Je préfère ne pas m’étendre sur ce sujet et je laisse aux gens compétents le soin de répondre à cette question.

Raconter, expliquer, commenter. Mais qui écouter ?

En pleine époque du scandale médiatique provoqué par les propos de Jean-Marie Le Pen au sujet des chambres à gaz au sujet desquelles il avait déclaré que ce n’était « qu’un détail « de la seconde guerre mondiale, les discussions allaient bon train dans tous les groupes de citoyens qui se sentaient concernés par ces propos où qui avaient, comme pour tout sujet médiatisé, un avis personnel à donner.(2) Je me demandais à mon tour me limitant au sujet lancé par le leader du FN, ce qui était le plus emblématique, le plus tragique dans tout ce qui concerne la déportation, les camps, les atrocités, les morts. Je n’arrivais pas à établir une hiérarchie dans l’horreur, ni dans l’absurde qui finissait par en découler. Je n’avais pas vu ou entendu qu’à l’évidence, le plus important de ces atrocités, c’était l’oubli. L’ignorance qui comme l’a dit Karl Marx :-« celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre ». Belle formule, certes discutable, néanmoins de l’oubli viendront les affabulations, les imaginations, les délires, les récupérations, les calomnies.
 Pour toute période marquée d’événements terribles d’une somme incommensurable de douleurs et d’humiliations, seule la mémoire, permettra d’éviter que tout cela n’ait servi à rien.

(1)     très bon reportage de FR3 Toulouse 1988. La début peut-être gratuitement, ensuite le document est payant mais il regroupe des témoignages intéressants. La première partie de ce documentaire qui en compte trois est consacré aux camps.
    




Mais qui pour raconter ?

Nous entrons ici dans le domaine de la transmission, la transmission de la mémoire qui nous éclaire le monde dans lequel nous vivons et peut aussi nous informer sur notre identité. Connaître le monde dans lequel nous vivons, c’est aussi apprendre à l’appréhender, à le craindre et à l’aimer.

            Savoir ce qu’il s’est passé durant cette guerre d’Espagne c’est comprendre que le conflit mondial était inévitable, que cette guerre d’Espagne a été une répétition générale de la seconde guerre mondiale. Cette terrible période est aussi une mine d’information sur les forces politiques, idéologiques et militaires de l’époque. Beaucoup d’expériences libertaires ont pu se réaliser dans un bref laps de temps. A l’opposé, les premiers bombardements de cibles civiles par la légion Condor allemande et l’aviation italienne ont été perpétrés à cette époque. L’hypocrisie des diplomaties européennes, les marchés de dupes ont atteint aussi des sommets durant cette guerre d’Espagne.

Transmettre tout cela n’est pas chose aisée et l’on ne peut pas dire qu’en France la guerre d’Espagne ait obtenu dans programmes d’histoire de l’Education Nationale la plus minime attention.
Quand le sujet est abordé dans les établissements scolaires, c’est souvent le fait de professeurs d’espagnols, mais la génération de ces professeurs motivés par la transmission de cette histoire est en train d’être atteinte par la limite d’âge.
 Il existe encore, dans le cadre de projets pluridisciplinaires des ateliers, des travaux sur ces évènements, mais je n’ai pas eu vent de soutiens des inspecteurs de l’Education Nationale à ce genre de projets au niveau national, plus attachés qu’ils sont à en soutenir d’autres  plus en vogue. Le phénomène de mode n’épargne pas les personnels d’encadrement de cette institution. Pourtant, des initiatives régionales ou locales on bien existées avec des plans de travail et un fond documentaire, un matériel pédagogique complet. (3)
En décembre 2007, des rencontres internationales ont été organisées à Lyon sur le  thème de la guerre civile considérée, à juste titre, enfin, comme un événement majeur du XXe siècle. Ces rencontres ont permis de se poser la question sur les moyens de  transmission de cette histoire et quelle place lui était accordée à l’école.
Ces rencontres ont abouti à l’édition d’un ouvrage publié par l’Institut National de recherche Pédagogique qui regroupe tous les aspects et éléments de cette guerre d’Espagne sans toutefois être exhaustif et aborde aussi le thème des témoignages des acteurs de cette guerre et de leur interprétation parfois nécessaire. (4)



(4) La guerre d’Espagne, l’écrire et l’enseigner  direction Benoît Falaize et Marianne Koreta

Institu national de Recherche Pédagogique  Lyon. www.inrp.fr